Au sein des faïenceries, ces documents sont matérialisés par des planches aquarellées . Tout au long de l’histoire de la céramique et notamment faïencière, ces planches ont servi de référentiel aux décorateurs. Un peu comme les cartes marines aux navigateurs ! En effet, l’époque de la conception assistée par ordinateur est encore bien loin !
Nous avons vu précédemment qu’avec la croissance des faïenceries, ces dernières pouvaient avec le temps, s’offrir de belles salles d’échantillons, permettant ainsi aux décorateurs de se référer à une pièce aboutie . Mais cela ne fût pas toujours le cas.
Je me suis demandé qui, au sein des faïenceries, et notamment celle de la famille Masse, s’occupait de réaliser ces planches aquarellées. En effet, ni Francis Masse, ni son épouse qui lui succéda, ni enfin leurs fils Jacques et Robert (Masse Frères), n’étaient des artistes au sens propre du terme, comme le furent par exemple, un Géo Martel ou un Gabriel Fourmaintraux.
Selon M. Christian Masse, les planches aquarellées étaient réalisées par les chefs d’ateliers en place (mon grand-père et André Baly, à partir du milieu des années 30 jusqu’au milieu des années 60). Devant leur extrême fragilité, elles devaient être régulièrement refaites, et devant l’évolution des goûts de la clientèle, de nouvelles planches devaient être réalisées, avec de nouvelles formes et/ou de nouveaux décors.
Des planches aquarellées que j’ai pu consulter chez des collectionneurs, ou celles en ma possession, j’ai pu déduire six grandes périodes au sein de la faïencerie Masse.
1° Certaines, (les plus anciennes) possèdent le cachet : « Jules Fourmaintraux » auquel a été rajouté celui de « Francis Masse Successeur ». En effet, au rachat début du XXème siècle par ce dernier de la faïencerie « Jules Fourmaintraux », un cachet a été apposé en complément afin de « marquer» le transfert de propriété.
sAu travers de ces deux planches, on constate effectivement ce que je précisais plus haut, à savoir : l’usure des planches liée à leurs utilisation, mais aussi à leurs conditions de stockage, imposant de facto, de nouvelles versions.
Chez un collectionneur, j’avais pu découvrir le plat oblong (Copie du décor à la Berain des ateliers Clérissy à Moustiers XVIIIème siècle) correspondant à la planche aquarellée : une pièce rare assurément !
Collection Privée : reproduction interdite
Ci-dessous, un autre exemple de planche « Vve Francis Masse » et d’une pièce appartenant à un collectionneur.
Archives Musée de la céramique de Desvres : utilisation et reproduction interdites
Collection privée : utilisation et reproduction interdites
CI-dessus, on observe une fois encore que le livre de Ris-Paquot fût une des sources principales d’inspiration de la planche aquarellée « Vve Francis Masse » et donc de la pièce ad hoc.
6° Enfin, après la deuxième guerre mondiale, des planches aquarellées ont été réalisées chez Masse Frères. Il en existe certaines avec le cachet « Masse Frères » au verso, mais d’autres n’en possèdent pas.
En voici deux exécutées par mon grand-père :
Un collectionneur m’a procuré quelques photos, dont beaucoup malheureusement sont de qualité moyenne, mais quelques-unes de bonne qualité, confirment sans hésitation aucune, les dires de Mr Christian Masse, indiquant que mon grand-père a pris part à l’élaboration de planches aquarellées.
Ce dernier ayant intégré la faïencerie Masse en 1935 du temps de Vve Francis Masse, et ayant fini sa carrière en 1963 chez Masse Frères, il est certain qu’il ait décoré des planches aquarellées durant les deux périodes, tout comme son homologue André Baly.
Grâce à la signature figurant sur la tirelire et l’assiette, décorées chez Géo Martel et vues au chapitre 4, j’ai formellement pu identifier l’écriture de mon grand-père sur certaines planches aquarellées., notamment celles de la période « Masse Frères ». Sa manière d’écrire deux « LL » est typique. Les 3 planches ci-dessous ont elles aussi, été décorées par mon grand père. La première porte le cachet « Masse frères » au verso, la seconde n’en a pas, et la troisième porte le cachet « Vve Francis Masse ».
(Planche Aquarellée cachet « Masse Frères » : terrine en Strasbourg / Jardinière en Marseille / Potiche couverte en Rouen)
Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites
Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites
Bien sûr, ceci n’était pas nouveau concernant la faïence de Desvres, mais je pense que cette manière de faire a progressivement dénaturé et « appauvri » cette dernière, dès lors que l’on faisait le choix de rester dans la copie « pure et dure ». En effet, certains décors se prêtent mal à certaines formes. Dans le cas présent, ce n’est pas flagrant, mais j’ai appris par d’anciens salariés que des clients imposaient parfois des décors, notamment ceux dits de « petit feu », complètement inadaptés aux formes. Mais comme on dit : « business is business ! ».
Je termine ce chapitre, par quelques planches aquarellées décorées elles aussi, par mon grand-père. Toutes celles découvertes tout au long de ce chapitre, démontrent à quel point les chefs d’ateliers, qu’ils soient spécialisés sur « petit feu » ou « grand feu », se devaient de maîtriser tous les types de décors.
Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites