Dans les récits maintes fois entendus de ma grand-mère, je savais que mon grand-père était le décorateur attitré des cadeaux protocolaires chez Masse Frères. J’ai souvent entendu parlé d’Eva Peron, de la famille princière de Monaco, de Kennedy, de Vincent Auriol, de la Begum et d’autres.
Bien sûr, adolescent, ces noms me faisaient voyager !
Je me souviens quand elle m’amenait dans cette somptueuse salle des échantillons achevée dans sa forme définitive début des années 50, et qu’elle me montrait notamment, les « doubles » des pièces offertes aux « grands » de ce monde. (Photo extraite de la revue « Boulogne et sa région » de 1951).

Sur la photo ci-contre datant de septembre 1971, on peut voir le chef d’état ougandais Amin Dada, contempler une soupière. Mais ce qui est intéressant, c’est la pancarte qui indique qu’il existe une liste des cadeaux aux chefs d’états.
Ce qui prouve qu’il y a dû en avoir un certain nombre !

©Archives Musée « A la belle époque de la faïence » (Desvres) : reproduction et utilisation interdites

J’ai essayé de chercher les archives de deux éditeurs qui ont tiré des cartes postales sur les faïenceries desvroises, et notamment celle de Masse.
Tout d’abord les éditions CAP (Cie des Arts Photomécaniques à Paris) et ensuite les Editions « EUROP » Pierron, à Sarreguemines, qui ont édité les cartes postales (probablement dans les années 60) que tous les desvrois ont aperçues un jour, sur les présentoirs de presse.
En effet, quand un éditeur est retenu pour faire une série de cartes postales et même s’il n’en sort que 3 ou 4 au final, ce sont souvent plusieurs dizaines de clichés qui sont pris.

Pour CAP, le fonds est aujourd’hui possession de la Parisienne de Photographie, mais seule la carte postale ci-contre, est recensée : la salle d’échantillons… Mais une grande partie du fonds est aujourd’hui encore, non accessible au public !

Concernant « Pierron Editions », après liquidation de cet éditeur, les archives ont bien été transférées aux archives municipales de Sarreguemines, mais en subissant au passage une sérieuse cure d’amaigrissement !!! Plus de négatif, aucune trace de carte postale concernant Desvres et ses faïenceries ! …

Sur cette carte postale, on peut voir Alexandre Pruvost dans l’atelier « Grand feu »
Fontaine murale décor Marseille fleurs, des ateliers de Veuve Perrin à Marseille XVIIIes.
Sur cette carte postale, vous pourrez voir une fontaine en Marseille Fleurs décorée par mon grand-père. (N° de moule 2765)
On la retrouve d’ailleurs dans le catalogue Masse Frères, photo ci-dessus, et dans le discours (Page 7 / Mention G)

A noter aussi dans cet article, une photo de mon grand-père en train de décorer une de ces fontaines… On y voit aussi, les photos de l’atelier « grand feu » en haut à droite et l’atelier « petit feu » en bas à gauche.
Toutes les pièces de cette salle d’échantillons, ont été vendues au gré des différentes reprises, liquidations intervenues durant les dernières années d’exploitation. Il faut être philosophe et se dire que bon nombre de ces pièces décorées par mon grand-père, André Baly, et d’autres, font le bonheur d’amoureux de la faïence !

Puis cette potiche balustre à godrons avec frêtel en lion (N° de Moule 390) en Aprey, décorée par mon grand-père, qui était elle aussi dans la salle des échantillons (Discours P6), et dont un modèle similaire fût offert à la nageuse ou au nageur ayant battu le record de la traversée de la Manche probablement au milieu du XXème siècle. A coté une planche aquarellée réalisée par mon grand-père.

Archives Privées : reproduction et utilisation interdites

Mais avant de poursuivre mon « périple à la Ulysse », je vous invite à découvrir le discours datant de 1965, qui était lu aux groupes venant visiter la faïencerie Masse. Il est assez long mais d’une part, il conforte nombre d’informations verbales en ma possession, et d’autre part, il décrit à travers la description des pièces exposées, l’histoire et l’activité de la faïencerie Masse. A lui seul, c’est déjà une invitation au voyage.

©Archives Privées : reproduction et utilisation interdites
Sur certaines tables de cette salle des échantillons, figuraient des « blasons » en faïence, décorés par mon grand père, indiquant les décors aux visiteurs.

©Archives Privées : reproduction et utilisation interdites

Le lecteur pourra se demander pourquoi cette salle était appelée « salle des échantillons » et non « salle d’exposition ».
En fait, les pièces qui étaient à l’intérieur de cette salle, servaient en premier lieu de « modèle » pour les décorateurs. En effet, quand des pièces complexes ou des décors spécifiques étaient commandés par des clients, un membre de la direction était chargé d’aller chercher un de ces modèles, pour l’amener dans un des deux ateliers de décoration afin que le décorateur ait ce dernier sous les yeux. Une fois l’exécution de la commande terminée, la pièce retournait dans la salle des échantillons.  La fonction de salle d’exposition, n’intervenait qu’après.

A ce titre, toutes les pièces exposées étaient référencées par son N° de moule, sa dénomination, sa base (s’appliquant à un coût de fabrication) et son coefficient.

Ce coefficient allait de 4 à 12 par ordre croissant de difficulté de décoration. Comme vous pourrez le découvrir sur les deux pièces  ci-dessous décorées par mon grand-père, l’Aprey a une note de 12 et le Delft Noir, un coefficient de 12×2, indiquant  le prestige du décor.

 

©Archives Musée « A la belle époque de la faïence » (Desvres) : reproduction et utilisation interdites

Tout d’abord, je me devais d’aller visiter le musée privé « A la belle Epoque de la Faïence de Desvres » situé dans l’ancienne faïencerie Fourmaintraux, pour rencontrer Mr Debette. A l’intérieur de son musée, outre les milliers de formes sauvés de la destruction, il y a des « trésors » souvent cachés…
Dire que Mr Debette est passionné de faïence desvroise et notamment celle de Fourmaintraux, est un doux euphémisme. En plus, on m’avait dit qu’il avait réussi à sauver quelques archives de la faïencerie Masse, alors j’ai tenté ma chance.
Malheureusement, une fois de plus, j’entendais le même discours fait d’incompréhension, de regrets, face à cette disparition du patrimoine desvrois. Les quelques archives sauvées de chez Masse m’ont beaucoup servi (nous le verrons un peu plus tard), mais elles sont rares !
Ensuite, face à ce constat, j’ai pris mon courage (et mon temps) à deux « bras », et je suis parti à la bibliothèque et aux archives municipales de Boulogne sur Mer, afin de consulter la presse et les revues locales, à partir de l’après guerre jusqu’en 1963.
Bien que les journaux de l’époque ne fussent pas épais, j’en ai tourné des pages…

DON’T CRY FOR ME ARGENTINA !

D’abord 1947, l’année choisie par Eva Peron pour faire une tournée européenne qui la conduira de l’Espagne à la Suisse en passant par la France.

Ce cadeau protocolaire lui a probablement été offert  lors d’une soirée de gala dans les locaux du comité France-Amérique Latine à Paris.

Ma grand-mère m’a souvent montré cette pièce offerte à Eva Peron; L’article de presse et le discours (Page 5 / Mention B)  ont confirmé ses dires. Ci-dessous, vous pourrez apercevoir la copie du plat telle qu’elle était présentée dans la salle des échantillons qui se trouve actuellement chez un collectionneur privé.

 

VINCENT AURIOL

Ma grand-mère m’a souvent parlé du plat offert à Vincent Auriol et m’a souvent montré le double de ce dernier dans la salle des échantillons (Cf discours Page 6 / Mention D).

©Archives Privées : reproduction et utilisation interdites

Tout comme pour le plat d’Eva Peron, il est issu du moule d’estampage n° 3110. Il fût probablement offert à Vincent Auriol, lors d’un déplacement officiel en 1947, à Boulogne sur Mer.

ELEANOR ROOSEVELT

A force de tourner des pages de journaux et publications, je tombais enfin sur un article (et une photo !!!) d’un plateau (n° de moule 2498), offert à Mme Roosevelt lors d’une tournée européenne et remis au nom de la Chambre de Commerce de Boulogne sur Mer.

Très honnêtement, je ne me souviens pas que ma grand-mère m’ait montré cette pièce. Mais d’un autre coté, elle m’en a tellement montrées !
Pourtant dans l’article de presse précédent (journal Le Littoral), ce plateau est déjà évoqué et aussi dans le discours (Page 4 / Mention A)
Très rapidement je prenais connaissance de l’existence du musée et de la bibliothèque Roosevelt à New York.
Je me suis fendu d’un très beau courrier en anglais, avec preuves à l’appui, et en pleine nuit, je recevais le message suivant et les photos de la coupe recto/verso ! Comme on dit : « Que du bonheur ! »
De : Michelle Frauenberger <michelle.frauenberger@nara.gov>
Date : Mon, 19 Aug 2013 11:41:13 -0400
À : <capri34980@orange.fr>
E-mail: michelle.frauenberger@nara.gov
Objet : Ceramic Dish Painted by Pierre Boutillier

Dear Mr. Capri:

This is in response to your letter of August 8, 2013 regarding your search for a ceramic dish painted by your grandfather, Pierre Boutillier, and presented to Eleanor Roosevelt in 1952 by the Boulogne sur Mer Chamber of Commerce.
Thank you for sending along the articles regarding the dish, as well as the photograph of a similar dish which proved very helpful. I am delighted to inform you that the dish is indeed in our Museum collection. As you requested, please find attached photographs of the front and reverse of the dish.

Please let me know if I can be of any further assistance.

Michelle M. Frauenberger
Museum Collections Manager
Franklin D. Roosevelt Presidential Library
4079 Albany Post Road Hyde Park, NY 12538
Phone 845.486.7743 Fax 845.486.1147

</capri34980@orange.fr></michelle.frauenberger@nara.gov>

J’ai échangé par la suite avec la conservatrice qui m’a dit être ravie de mon contact, car de cette pièce, elle ne savait pas grand-chose. Sauf bien sur, qu’elle fût offerte par la chambre de commerce de Boulogne sur Mer !
Mais la découverte de ce plateau allait me réserver une autre belle surprise. Lors d’une de mes visites de courtoisie à Mr Debette, je lui parlais de ce plat.
Il observa les photos, me regarda avec un sourire et me dit « Ne bougez pas, je reviens dans 5 minutes ! »
J’étais pour le moins intrigué et j’ai vu ce dernier revenir, avec un double dans ses mains !!! Il fut très content de son effet de surprise…

Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites

Un collectionneur desvrois m’a communiqué la photo d’une lithographie extraite de « l’Histoire générale de la Faïence ancienne française et étrangère de Ris-Paquot 1874/1876. Cette planche a servi de support à mon grand-père afin de reproduire ce plateau. Est-ce que le plateau original représenté sur cette planche existe toujours, au sein d’une collection privée ou au sein d’un musée ? En effet, nous verrons au chapitre suivant que la collection prestigieuse du Dr Mandl fût intégralement vendue à Drouot en 1879…

Au chapitre 5, j’indiquais qu’un livret original de planches de céramiques de Sèvres se trouvait dans l’ancien atelier de mon grand-père. Avec cet autre exemple, on est certain qu’un fond de planches était à disposition des chefs d’atelier pour s’imprégner des pièces historiques et pouvoir les reproduire le plus fidèlement possible, afin de répondre à la demande de la clientèle. Ces planches lithographiques ou ces estampes, servaient donc de « planches aquarellées » aux mouleurs mais aussi aux décorateurs. Mais nous développerons ce point au chapitre 19.

Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites

Même si ce décor (dans l’esprit de Delft) est trop chargé à mon goût, savoir qu’il a été entièrement décoré à la main, est impressionnant. Vous noterez au passage que la marque « ARK » figure au dos du double du plateau… point de mention de Masse Frères !
Un ancien adjoint de direction m’a même indiqué qu’après la mort de mon grand-père, la réalisation d’une telle pièce fût extrêmement rare : trop complexe et trop coûteuse ! Malheureusement, nous ne saurons jamais combien d’heures il fallait, pour la décorer.

D’ailleurs sur la photo ci-dessous, lors de la foire de Lille de 1962, vous pourrez observer sur la table sur laquelle travaille mon grand-père, le verso d’une pièce similaire. (Il y a aussi un magnifique présentoir de soupière, celle dite « à l’écrevisse N°2367 » en Marseille paysage : cf Annexe catalogue Masse Frères 1950 Marseille/sceaux)

Tout cela prouve « matériellement » qu’il existait bien un double des pièces protocolaires. Ces fameux doubles de la salle des échantillons. Cela m’a d’ailleurs été confirmé par Mr Christian Masse, fils de Jacques Masse.
Seule déception : le comité France-Amérique à Paris, ne m’a pas donné l’autorisation de venir consulter leurs archives. En effet, je suis intimement convaincu que des photos de cette soirée et de cette remise protocolaire, doivent s’y trouver.

BOULOGNE SUR MER et SES CONSULATS

En 1962, Le président finlandais Kekkonen se rend en France pour une visite officielle. Il fera escale à Paris, Marseille mais aussi en Corse.

D’un article de presse (article précédent), je savais qu’un cadeau lui avait été remis mais je n’ai pas trouvé de trace de la cérémonie protocolaire. Elle a probablement eu lieu à l’ambassade de Finlande à Paris, lieu où a été organisé le repas avec Charles de Gaulle et son épouse.

En cette période de guerre froide, la Finlande, de par sa neutralité politique, a souvent été un passage obligé entre l’Est et l’Ouest. Cette visite officielle fût donc soigneusement préparée par Charles de Gaulle et son gouvernement.

Sachant que le président finlandais avait une aura au moins aussi importante que celle du Général de Gaulle, en Finlande mais aussi de par le monde, je me suis rapproché du Centre des Archives du Président Kekkonen à Orimattila.
Là encore, je suis tombé sur un directeur plus qu’intéressé par mon histoire. Il est vrai aussi que la Finlande est une terre de céramistes talentueux…
Après avoir cherché sur place, et n’ayant rien trouvé, le directeur m’a indiqué que les archives des ambassades de Finlande à travers le monde, avaient été reversées régulièrement au ministère des affaires étrangères d’Helsinki !
Spontanément, il a pris une journée pour se rendre sur place aux archives de ce ministère (j’ai compris que moi de France, je n’avais aucune chance et le finlandais est pour le moins, une langue ardue !), et il m’a trouvé ce document en finlandais qui est une des pages de l’inventaire de tous les cadeaux qui ont été offerts au Président Kekkonen lors de cette visite officielle.
Comme vous pourrez le découvrir : beaucoup de spiritueux : Château Margaux, Armagnac, Muscat de Rivesaltes ! Mais surtout à la ligne 26 : « Un carton de faïence de Desvres » !!! Si c’est un carton, peut-être s’agissait-il d’un service ?
A la ligne 27, on trouve aussi une figurine « Isabelle » de Boulogne sur Mer : la fameuse « Zabel » ! Là encore sur ce point, quelle en est l’origine ?

©Archives Ministère des Affaires Étrangères de Finlande: reproduction et utilisation interdites
Fort de ce document, j’ai pensé que ce serait une formalité de retrouver ce « carton » de faïence desvroise.
Mon interlocuteur m’avait devancé et m’a indiqué que malheureusement, au décès du Président Kekkonen face à la multitude des cadeaux protocolaires, ces derniers avaient été répartis entre plusieurs musées de Finlande, et qu’il n’avait pas trouvé trace d’un inventaire de cette répartition. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Il était au moins aussi désolé que moi !
Pour lui, ces faïences sont bien en Finlande, car il m’a expliqué que le Président Kekkonen prenait grand soin des archives et cadeaux le concernant. J’ai lu que ce dernier s’était d’ailleurs beaucoup inspiré sur ce point, de la famille Roosevelt.
Mais le plus important, d’un point de vue « historique », n’est pas tant ce carton de faïences, que la connaissance par ce document, du cheminement de ce « carton » qui fût amené à Paris par Mr Charles Rochard, Consul Honoraire de Finlande, à Boulogne sur Mer.
Cela répondait en grande partie à la question que je me posais depuis longtemps : Comment la faïencerie Masse faisait pour « atteindre » ces personnalités ?
Il faut se replacer dans le contexte des années 50, ou Boulogne sur Mer va devenir un des plus grands (si ce n’est le plus grand) ports de pêche européens. Le corolaire, c’est la multitude de nationalités des bateaux qui y font escale. Et donc, de nombreux consulats ou consulats honoraires, qui y sont implantés ! (Argentine, Belgique, USA, Espagne, Finlande et bien d’autres) !
Jacques Masse étant par ailleurs Président du Tribunal de Commerce de cette ville, il est plus que certain que les contacts devaient être établis avec ces derniers. Et d’ailleurs, c’était souvent au nom de la Chambre de Commerce de Boulogne sur Mer, qu’étaient remis ces cadeaux.

Donc on peut raisonnablement en déduire que les faïences, sortant de la faïencerie Masse Frères aux fins de cadeaux protocolaires, étaient d’abord amenées dans les consulats de Boulogne sur Mer. Puis, les consulats faisaient parvenir ces dernières, à l’ambassade à Paris (ou un autre lieu, si le protocole en avait décidé autrement) afin d’y être exposées et remises à la personnalité.
De la publicité nationale voire mondiale, au prix d’une belle céramique : bien vu !

©Archives Ministère des Affaires Etrangères de Finlande: reproduction et utilisation interdites
Sur cette photo, on peut voir le président Kekkonen à l’Hôtel de ville de Marseille devant une table de cadeaux protocolaires, dont des céramiques (Je n’ai pas réussi à trouver l’équivalent pour Paris).
Ce dernier reçoit des mains de Gaston Deferre (très jeune à l’époque !) la médaille de la ville de Marseille.
PÉTAIN OR NOT PÉTAIN

Je me suis posé la question de savoir si j’allais me lancer sur cette piste !
Car prononcer ce nom, ramène immédiatement à certaines pages très connues, mais pas forcément les plus glorieuses de l’histoire de France…
Je me suis dit « Déjà en France, quand tu demandes à pouvoir consulter des archives, tu passes souvent pour un « enquiquineur », alors Pétain … »
Bien sûr dans ma famille, on ne m’a jamais parlé de cela et ce n’est qu’en découvrant l’article de presse, que j’ai découvert le nom de Pétain.

Je doute que ce plat lui fût offert au sortir de la deuxième guerre mondiale… Je penche plus pour la période 1935/1940.
En effet, mon grand-père rentre chez Mme Veuve Masse en 1935 et il est rappelé à Digoin pour ses obligations militaires en 1940 pour 12 mois.
De plus, dans le même article on apprend qu’un plat a été offert à l’ambassadeur d’Espagne en France. Or durant cette période, Pétain fût lui aussi un temps, ambassadeur de France en Espagne.
Les deux personnages étaient-ils liés ? Probable, mais je n’ai pas été cherché jusque-là !

Je ne savais donc pas trop, par où commencer mes recherches.
Internet allait me guider très rapidement sur l’ADMP (Association pour Défendre la Mémoire de Pétain). Cette dernière possède la maison natale à Cauchy à la Tour, et l’appartement à Vichy, et donc après avoir laissé un message au siège de l’association à Paris, son président m’a rappelé.

Ce dernier m’a indiqué bien connaître les lieux mais qu’il n’y avait aucune pièce de faïence (Plat, Lampe, ou autre) à l’intérieur.
Il m’indiqua cependant que lors de l’arrestation du Maréchal Pétain, tous ses biens furent saisis à Paris et à Vichy, jusqu’à son paquet de cigarettes !
Si on saisit un tel objet, on doit pouvoir saisir une pièce de faïence !
J’ai donc épluché les inventaires des Archives Nationales série W/3 de la Haute Cour de Justice et
série 2/AG des chefs de l’état français : Producteur « Pétain ».
J’y ai trouvé deux informations importantes qui corroboraient ce qui précède.

Série W/3 : En 1949, la BDIC (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine) : recevait à titre de dépôt, 71 caisses de biens et cadeaux reçus ayant appartenu à l’Ex-Maréchal Pétain, condamné à la confiscation générale de ses biens, par la Haute Cour de Justice du 15/08/1945.

Série 2/AG : Source complémentaire : Le musée des deux guerres mondiales (BDIC) à l’Hôtel national des Invalides, conserve un millier de disques de discours, appels, déclarations diverses du Maréchal Pétain. En plus, l’administration des Domaines remit à ce musée, des meubles, cendriers, vases ayant appartenu au maréchal Pétain !

A ce jour, je n’ai reçu qu’une réponse laconique de la BIDC : « Nous n’avons pas trouvé trace d’une pièce de faïence dans l’inventaire des 71 caisses ! »
Est-ce que ces 71 caisses restèrent en l’état au moment de leur reversement à la BIDC, avec pour seul inventaire le bordereau de remise des Domaines ? A force de fréquenter les centres d’archives, j’ai souvent constaté qu’il y a un « monde » entre l’inventaire et la réalité…
Ont-elles été ouvertes, triées et dûment inventoriées par cette dernière en 1949 ? Eu égard à la période et à ce que représentait alors le nom de Pétain, je reste dubitatif…

LA PRINCESSE AUX YEUX TRISTES !

Même si ce fût son surnom, je vais clore ce chapitre des cadeaux protocolaires, sur une note plus « enjouée » : La Reine Soraya !
Je n’ai jamais entendu ce nom dans la tradition orale de ma famille, ni même dans un article de presse.
J’ai vite su que je ne trouverais pas de pièce, car après son divorce retentissant d’avec le Shah d’Iran, sa vie fût une errance (certes dorée !) entre différents pays. Elle ne s’installa à Paris qu’à la fin des années 70.
Je voulais juste raconter comment j’appris, qu’une soupière de chez Masse Frères, avait été décorée pour cette personnalité.

J’ai rappelé une personne qui avait fait passer un message au musée de la céramique de Desvres, indiquant qu’elle désirait me parler.
Cette personne voulait juste me dire, que début des années 60, à l’âge de 14 ans, elle avait été apprentie quelques temps dans l’atelier de mon grand-père.
Elle me dit à quel point, ce dernier lui avait laissé un très bon souvenir. Qu’à l’époque, ce n’était pas tous les jours facile pour les apprentis, mais que lui, prenait toujours leur défense et bien qu’exigeant, était une sorte de « protecteur ».
Elle se souvenait aussi que mon grand-père fumait beaucoup trop (Et oui, il en est mort peu de temps après !), mais qu’à sa demande elle allait lui acheter à la mi journée, ses paquets de cigarettes sur la place du marché…

Cela me fît sourire bien entendu, car tout cela était dit en patois avec des mots simples. Mais qu’une personne, plus de 50 ans après, tienne absolument à me le dire, m’a fait chaud au cœur ! Cela en dit long sur le souvenir que mon grand père a laissé pour toute une génération d’apprentis !
Bien sûr, je lui demandais si des anecdotes précises lui revenaient à l’esprit. Et c’est ainsi que j’appris l’exécution par mon grand-père, d’une soupière en Strasbourg, au profit de la Reine Soraya et ce, début des années 60. Deux anciens employés ayant connu mon grand-père à la faïencerie, m’ont même indiqué qu’après avoir décoré cette soupière, cette dernière fût appelée ensuite « La Soupière Soraya » et non plus par son numéro de forme (N°3008) !!! Ci-dessous, une photo (issue de le photothèque de la salle des échantillons), sur laquelle vous pourrez découvrir la copie de la soupière n° 3008 et de son présentoir en Strasbourg.

 ©Archives Musée « A la belle époque de la faïence de Desvres» : reproduction et utilisation interdites

Mon grand-père pour arrondir ses fins de mois, peignait des tableaux pour des particuliers et parfois même des cafés ou restaurants (je pense qu’il y prenait un plus grand plaisir qu’au jardinage !). Encore un clin d’œil, pour la formation artistique reçue de Géo. Martel !

Ci-dessus, deux photos  du « Faisan Doré », à Courset, cher à nombre de desvroises et desvrois…
Les tableaux tout autour de la salle de restaurant et de la piste de danse avaient été peints par mon grand-père. J’ai appris qu’ils avaient été vendus aux enchères lors de la fermeture définitive du « Faisan Doré ».

Peu de sites parlent de cet aspect des choses. Quand on regarde une pièce de faïence, au verso, il n’y a pas qu’une marque ou qu’un n° de moule, mais il y a aussi et surtout, la vie d’hommes et de femmes : du dirigeant à l’apprenti.
J’en reviens encore à la maxime de Confucius : ce qui est vrai pour le dirigeant, l’est tout autant pour l’apprenti !
Je ne crois pas que mon grand-père aurait pu atteindre ce niveau, s’il n’avait pas été tout simplement heureux dans sa vie personnelle et professionnelle, même si les conditions financières laissaient peu de place à l’improvisation !

En 1958, pour récompenser toutes ces années (42 ans !), de travail passionné dans la décoration de faïences, il reçoit la fameuse médaille « Prud’homme » décernée par la Confédération Française des Industries Céramiques. au titre du Mérite du Travail. Cette distinction récompense à la fois, la valeur professionnelle, mais aussi la durée et la qualité du travail fourni.