Oui, changement de quart rime avec transmission du savoir. Un homme meurt, d’autres, préparés, formés, peuvent alors prendre la relève et suivre le cap fixé !
J’ai déjà évoqué les apprentis, le CFA, les cours de dessin en interne, que donnaient certaines faïenceries à leurs employés.
Des personnes toujours en vie qui ont connu mon grand-père, m’ont toutes affirmé, qu’outre son talent, il fût un « maître » en matière de formation : bienveillant mais exigeant. La formation reçue chez Géo Martel a inévitablement dû lui servir, pour transmettre son savoir-faire. Ce n’est pas pour rien qu’il était ami avec Roger Demulder. Et je pense que dans l’initiative prise par Raymond Dufour au sortir de la guerre, de créer un Centre de Formation des Apprentis à Desvres, il y a du avoir des conseils judicieux donnés à ce dernier, par mon grand-père (n’oublions pas qu’ils étaient ami d’enfance et siégeaient ensemble au conseil municipal).
Ce second s’appelait Paul Scotté. Il rentre en 1948 chez Masse Frères à 14 ans et y fera toute sa carrière (46 ans). Il a probablement dû suivre la formation au CFA et obtenir son CAP de décorateur en même temps que mon oncle Ludger. Au décès de mon grand-père c’est lui qui prendra la direction de l’atelier « Petit feu » et ce, jusqu’à sa retraite.
D’ailleurs en 1963, quelques mois seulement après le décès de mon grand-père, il se retrouve à son tour dans la « fosse aux lions » au salon des métiers des arts vivants, organisé par la foire internationale de Lille, et il y reçoit également, le diplôme d’honneur en présence de bon nombre de personnalités.
Archives Privées : Utilisation et reproduction interdites
Ci-dessus, les diplôme reçus par la faïencerie « Masse frères » et Paul Scotté, lors de cette foire. A un an d’intervalle, ce dern ier et mon grand-père ont reçu cette distinction. Preuve supplémentaire si l’en est, de la qualité de la transmission d’un savoir faire de plus de 45 ans !
Paul Scotté, fera d’ailleurs régulièrement partie du jury du CAP national de décoration sur faïence, notamment aux cotés de MM Delarue, Chochoy (Faïencerie Géo Martel), Falempin (Fourmaintraux) et Allais (Masse Frères : atelier sur cru).
Je suis rentré en contact avec un collectionneur hollandais et faïencier lui aussi !
Fin des années 70, début 80, ce dernier a fait venir Paul Scotté dans son atelier-boutique près de Rotterdam, afin de faire des échanges de décoration avec des décorateurs hollandais. Oui, vous lisez bien : Un desvrois au pays du Delft ! On voit ce dernier à gauche, devant l’atelier à Vlaardingen.
En effet, ce collectionneur m’indiqua que pour lui, en dehors des décorateurs de Delft, seuls les décorateurs desvrois pouvaient arriver à faire un travail de qualité sur ce décor, ô combien copié et réinterprété !
Ci-dessous, un dessous de plat (n° de forme : 1705/2) , comportent la signature du décorateur Paul Scotté (ce qui est extrêmement rare au sein de la faïencerie Masse, nous l’avons vu dans un chapitre précédent), mais surtout, une mention indiquant que cette pièce a été commandée par ce collectionneur hollandais et réalisée à Vlaardingen devant les clients hollandais de ce dernier, dans le but de promouvoir et vendre en Hollande des faïences desvroises.
Archives « Musée A la belle époque de la faïence de Desvres » : Reproduction et utilisation interdites
Une sorte d’association a donc été créée entre la faïencerie Masse et la faïencerie Makkum : un catalogue (hollandais/français) a concrétisé cette dernière.
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Ce collectionneur hollandais était friand de belles pièces produites à Desvres, comme en témoignent ces deux somptueuses tulipières de sa collection privée : la première de chez Masse et la seconde de Géo Martel (N° de moule 2707).
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Ce collectionneur bien qu’admiratif du savoir-faire desvrois, m’a cependant indiqué qu’il était très difficile pour des centres faïenciers étrangers, de vendre leurs productions en Hollande. Aussi la collaboration entre ce dernier et la faïencerie Masse n’a duré que peu de temps, d’autant que fin des années 80, cette dernière était rentrée dans une zone de turbulences, qui allait amener lentement à sa fermeture quelques années après.
Mais certains passionnés de faïence, comme lui, ont reconnu en leur temps, le savoir-faire faïencier desvrois.
Quand il a découvert, les photos du plat « Roosevelt » décoré par mon grand-père, sa réaction fût d’ailleurs : « Evidemment » !
Si les décors « petit-feu » sont à l’honneur, ceux de « grand-feu » ne furent pas oubliés par ce collectionneur.
Car il n’est pas possible de refermer ce chapitre sans parler de Michel Allais qui fût le pendant de Paul Scotté, à l’atelier « Grand-feu » de Masse Frères. Il fût formé par André Baly et il devint un décorateur hors pair qui prit le relais de ce dernier en tant que contremaître. Il fût un maître d’apprentissage reconnu, qui fît partie, nous l’avons vu plus haut, du jury du CAP national. Et tout comme Paul Scotté, il s’est déplacé en Hollande pour décorer à Vlaardingen dans l’atelier de Makkum.
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Il décora des pièces uniques comme la célèbre aiguière, dont un exemplaire fût offert en 1982, à François Mitterrand par la région Nord Pas de Calais. Cet exemplaire se trouve au musée du septennat, à Chateau-Chinon.
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Avec Jean Watel, adjoint de direction chez Masse depuis 1960 et homme passionné de faïence desvroise, Il fût même à l’origine de la « résurrection » du fameux plat Louis XV (N°de moule 1211 – 70cm Diamètre).
En effet, ce plat qui fût exposé à l’exposition universelle de Chicago de 1890 par Jules Fourmaintraux, avait disparu des archives de la faïencerie. Le moule d’estampage existait mais le poncif correspondant avait disparu. Les deux protagonistes ont réussi à localiser le détenteur du plat original et Michel Allais a pu refaire un poncif directement sur ce plat. De ce fait, ce dernier connu un énorme succès et fût réédité à une quinzaine d’exemplaires environ. En effet, chaque exposant, chaque magasin en contrat avec Masse voulait ce plat afin de mettre en valeur la faïence de Desvres dans leur magasin ou sur leur stand d’exposition.
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Pour conclure ce chapitre sur la transmission du savoir faire au sein des faïenceries, voici un film amateur extrêmement rare, montrant différents salariés à leur poste de travail.
On y découvre notamment, l’atelier de préparation de la terre, les majoliqueuses du service funéraire, un émailleur, un estampeur, des décorateurs et décoratrices, et enfin quelques pièces remarquables de la salle des échantillons.
De tout ce qui précède, on comprend aisément que Mr Jacques Masse fût nommé Chevalier des Palmes Académiques en 1957 pour services rendus aux arts.